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Dossier: Les fouilles archéologiques de la Grand-Place de Rebecq en 2012

Bilan de terrain et perspectives de recherche archéologique

La réfection totale de la Grand-Place de Rebecq avait été projetée pour le printemps 2012. Afin d'engager les travaux importants prévus à cet effet, les services d'Archéologie de l'Institut du Patrimoine Wallon a dépéché une équipe d'archéologues et de scientifiques chargés de récolter le plus possible d'indices et de renseignements historique sur ces lieux, avant que les excavatrices ne réduisent à jamais à néant les témoignages que renfermait le sous-sol de cette place qui fut, au cours des siècles, le centre de la vie sociale et populaire du village de Rebecq.
Les fouilles ont donné des résultats inespérés : outre l’exhumation de plus de 80 corps, elles ont permis aussi de distinguer quatre phases dans la construction de l’ancienne église détruite au XIXe siècle. Enfin, les archéologues ont découvert un atelier de fabrication de cloche, un moule en forme de croix et des dépôts d’encensoir avec des vases pouvant dater du XIIe ou XIIIe siècle.

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Vue des fouilles terminées prise par drone (Institut du Patrimoine wallon)(Photo IPW)

1. Introduction

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Les travaux de réaménagement de la Grand-Place de Rebecq ont été l’occasion pour le Service de l’Archéologie du SPW-DGO4 (Direction extérieure du Brabant wallon) de réaliser une fouille de sauvetage de l’église Saint-Géry et de son cimetière paroissial, démolis en 1865. Cette fouille et l’étude qui s’ensuivra devraient permettre de progresser de façon significative dans nos connaissances de l’histoire de Rebecq, qui remonte à des origines probablement assez lointaines. Le nom du village apparaît en effet pour la première fois en 877sous l’appellation Rosbacem dans un diplôme de Charles le Chauve qui attribue plusieurs villae (domaines agricoles), dont celle de Rebecq, aux religieuses du monastère de Nivelles.

En 897 ce diplôme est confirmé par Zwentibold, roide Lotharingie et Rebecq est cette fois orthographié Rosebache. Par ailleurs, plusieurs arguments développés par les historiens permettent de penser qu’une villae plus ancienne encore, peut-être mérovingienne, a pu être construite l’emplacement du fief de Bauves, établi au début du 16èmesiècle dans le bas de la place actuelle (Denys & Delporte, 1997, p. 9).

2. L’église Saint-Géry des origines à 1865

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Eglise St-Géry, 1e phase de construction (indéterminée)

Il faut attendre le milieu du 11e siècle pour avoir la certitude de la présence d’une église à Rebecq, grâce à un diplôme datée 1059 et attribué à Henri IV, empereur du Saint Empire romain germanique de 1056 à 1105. Le saint patron de cette église étatisant Géry ; saint Denis en serait le patron secondaire (Denys et Delporte, 1997). En l’absence de toute iconographie concernant cet édifice, on ignore tout de son importance et de son aspect.

En 1865, l’architecte Coulon, qui dirige la construction de la nouvelle église, dresse un plan, des coupes et des élévations de façades de l’ancienne église et en fait une description succincte avant sa destruction. Selon lui, l’église daterait pour l’essentiel du 16e siècle avec, d’après A. Wauters, un remaniement de la tour et des collatéraux au 18e siècle (Tarlier & Wauters, 1862, p. 173). C’est cette église qui est reprise sur les cartes de Ferraris (1771-1778), l’Atlas des Chemins vicinaux (1845) et le plan Popp (vers 1860) sur lesquels figurent également le cimetière et son mur de clôture.

De l’église Saint Géry on ne sait donc pratiquement rien avant le 16e siècle, d’où l’intérêt tout particulier d’une fouille étendue telle que celle occasionnée par les travaux de réfection de la place en 2012.

3. Les fouilles : méthodes

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Les ossements humains sont mis au jour

Afin d’appréhender au plus vite l’importance du site et le degré de conservation des vestiges, une phase d’évaluation a été réalisée. Après avoir tracé au sol l’emplacement de l’église en se basant sur le plan de Coulon, l’équipe archéologique a procédé à l’ouverture d’une série de sondages ayant pour objectif de repérer les fondations du bâtiment mais aussi de préciser l’étendue du cimetière paroissial et la profondeur d’enfouissement des vestiges. La couverture en tarmac a ainsi été découpée, concassée puis évacuée de façon mécanique sur 28 emplacements de 1 à 2 m² disposés autour et sur l’emplacement supposé de l’église, de façon à couvrir l’entièreté de la place. L’opération qui a duré une semaine a pleinement rempli ses objectifs. Elle a confirmé l’exactitude des plans de Coulon et permis de cerner l’étendue du cimetière paroissial, évaluée à plusieurs centaines d’inhumations. La profondeur d’enfouissement des vestiges a également pu être mesurée : elles comprise entre 20 et 60 cm de profondeur sous la surface du parking, soit dans bien des cas juste sous le tarmac Les sondages ont aussi contribué à isoler deux zones apparemment vierges de vestiges dans le bas de la place.

Au vu de ces résultats, une fouille extensive a été décidée avec, comme objectif principal, de reconstituer et dater les différents états de l’église entre son origine et sa destruction en 1865 d’une part, et de les mettre en relation avec l’évolution du cimetière paroissial d’autre part. Eu égard au temps imparti pour effectuer ces fouilles –deux mois environ alors qu’un an au moins aurait été nécessaire – il a fallu faire des choix drastiques, notamment en ce qui concerne la fouille du cimetière qui n’a pu se faire que de façon très partielle.

En outre, durant le dernier mois, la fouille s’est poursuivie alors que les travaux avaient déjà commencé, de sorte qu’il a fallu combiner les exigences d’une fouille scientifique avec celles d’un chantier de construction qui ne pouvait en aucun cas être retardé. Grâce à la bonne volonté et à la bonne entente qui ont prévalu durant tout le chantier entre les autorités communales, l’entrepreneur Eurovia et les archéologues, cette délicate combinaison a été possible.

4. Les fouilles : résultats

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Eglise St-Géry, 2e phase de construction (indéterminée)

L’église

Au total, les squelettes de 86 individus ont fait l’objet d’une fouille minutieuse ; cependant, il représente probablement moins de 10 % du nombre total des corps inhumés sous la Grand-Place, si on suppose une utilisation continue du lieu durant au moins sept siècles. Les ossements présentent des états de conservation très variables; la moitié des squelettes fouillés sont incomplets à divers degrés. Les sépultures sont orientées soit classiquement est-ouest, soit nord-sud, les deux types coexistant parfois dans un même secteur du cimetière. D’une manière générale, étant donné le temps d’utilisation du lieu, l’agencement des sépultures est extrêmement complexe, les recoupes et les chevauchements étant très nombreux murs et des fondations ont été mis au jour des états de construction de l’église à travers les siècles. La compréhension de l’agencement des éléments architecturaux et la restitution de la chronologie suivant laquelle ils ont été peu à peu construits et modifiés est un exercice assez complexe. Plusieurs éléments permettent cependant, dès la phase de terrain, de se faire une idée de la succession des évènements. Dans certains cas, les joints entre différents murs, appelés « coutures » dans le jargon archéologique et qui signalent souvent des phases de construction distinctes, sont bien visibles en plan. Il est souvent nécessaire de pratiquer des sondages en profondeur aux endroits qui posent question, la vue des murs en élévation permettant dans la plupart des cas de trancher entre une continuité et une discontinuité de la maçonnerie. L’aspect des différents mortiers est également pris en compte, les recettes de mortier ayant parfois varié au cours du temps.

A ce jour, une restitution des phases de construction peut être proposée mais, en l’absence d’une étude approfondie des documents de fouille et des résultats des analyses de laboratoire-datations C 14 notamment -, elle doit être considérée comme une simple hypothèse de travail.

La première phase de construction observée concernerait une église mono-nef de plan rectangulaire dotée d’un cœur de forme similaire. Cette phase, que nous ne sommes pas en mesure de

Excepté deux bagues et quelques épingles, aucun objet n’a été trouvé en association avec les corps, ce qui, par ailleurs, est un cas de figure classique pour la période médiévale. Les premières dater pour l’instant, ne comprendrait pas de tour l’avant de l’Eglise. La deuxième phase de construction (fig. 6) consisterait en un élargissement de la nef et un agrandissement du chœur, qui conserve toutefois son plan rectangulaire. La tour avant, de forme carrée, et la petite tourelle d’angle arrondie en seraient contemporaines ; leur datation demeure elle aussi inconnue. Durant la phase qui correspond grosso-modo au plan de Coulon, l’église est à nouveau élargie par l’ajout de bas-côtés; la voute de la nef centrale est surélevée et soutenue par des piliers. Le chœur est agrandi ; son chevet comporte à présent trois pans. Des fonds baptismaux sont également aménagés à l’avant de l’église, dans le coin nord-ouest. Ces travaux datent probablement du 16e siècle. On sait par ailleurs que l’église a été remaniée une dernière fois au 18e siècle époque probable de l’adjonction des contreforts soutenant le mur nord et de la sacristie qui occupe le coin formé par le chœur et le bas-côté nord de l’église.

Signalons cependant que les contreforts ne figurent pas sur les relevés de Coulon, soit qu’ils datent d’une autre période, soit qu’ils aient été détruits pour une raison inconnue avant que Coulon ne relève les élévations. Il est en effet très peu probable que l’architecte les ait oubliés au moment d’effectuer ses relevés.

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Moule de fonte de la cloche

Les structures liées à la métallurgie

Signalons quelques découvertes particulièrement intéressantes, parmi lesquelles les vestiges de l’atelier de fabrication d’une cloche, comprenant un four et le moule dans lequel le métal en fusion a été versé pour former l’instrument. Ce type d’installation est connu, mais il est rare qu’il soit aussi bien conservé.

Plus exceptionnel encore est le moule d’un objet métallique en forme de croix,, découvert à l’extérieur de l’église au sud. Le type d’objet coulé reste indéterminé, maison songe notamment à des éléments de renfort de la maçonnerie tels qu’ils apparaissent sur le relevé de Coulon ou la croix ornant le sommet de la tour d’entrée. Enfin, un dépôt d’encensoirs, particulièrement riche puisqu’il contenait neuf vases pour la plupart complets, a été mis au jour au milieu de la nef. Il s’agit de pichets usuels percés de quelques trous. Ils sont remplis de charbon de bois et la surface interne porte des traces d’une matière noire et visqueuse, probablement des résidus d’encens. Il est important de noter que ces vases datent du 12e ou du 13e siècle ; il est possible qu’ils aient été utilisés lors de l’inauguration de l’église de la phase I ou II.

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Eglise St-Géry, 3e phase de construction (16e siècle) et 4e phase (18e siècle)

5. Perspectives

En plus d’une étude approfondie de tous les relevés, photos, plans et coupes enregistrés durant les fouilles, de nombreuses analyses devront maintenant être effectuées sur le matériel archéologique recueilli. L’étude anthropologique des ossements, réalisée à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, est déjà en cours sur une trentaine d’individus. Il s’agit, dans un premier temps de reconstituer le sexe, l’âge et la stature des défunts, de même que leur état sanitaire. Des datations C14 seront réalisées sur ces ossements, en particulier ceux qui étaient en contact avec les éléments d’architecture, afin de préciser la datation des phases de construction. Des analyses paléo magnétiques sont également en cours à l’Institut de Physique du Globe (IRM, Dourbes, Belgique) sur les structures liées à la métallurgie afin de les dater et connaître les températures atteintes aujourd’hui sur une base scientifique, c’est-à-dire prenant en compte à la fois les éléments matériels recueillis en fouille et ceux issus du travail post-fouille qui débute.

Dominique BOSQUET, Marie-Laure VAN HOVE, Benjamin VANIEUWENHOVE, Frédéric HELLER1 & Didier WILLEMS; SPW-DG04

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Vue des fouilles au jour-le-jour (Photos: Wilfred Burie)

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