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Robert Dupureur, Docteur en médecine et Résistant

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Avec le soutien de la commune de Rebecq

Dupureur Robert


Le 27 mai 2014, plusieurs personnes assistaient à la dernière cérémonie au monument du Mémorial de Rebecq, pour se souvenir d’un membre de leur famille ayant été victime de la rafle organisée par les Allemands, le 26 juin 1944. Suite à des recherches entreprises afin de connaître de manière plus détaillée ce qui s’est exactement passé, nous avons pu mettre au jour un certain nombre de documents essentiels à la compréhension des raisons, qui ont conduit les occupants à organiser une telle répression auprès de la population rebecquoise, en juin 1944.
Après-guerre, des enquêtes furent diligentées par les services du Ministère de la Reconstruction et par ceux de la Justice. Les personnes impliquées dans la rafle de juin 1944 qui avaient eu la chance de ne pas être déportées tout de suite en Allemagne purent témoigner de ce qui s’était réellement passé. Les services de police, de gendarmerie et les enquêteurs du ministère de la Justice prirent également les dépositions des témoins de cet événement tragique.
A gauche: Robert Dupureur, à la fin de ses études de médecine


Il ressort clairement que si la chute du Lancaster britannique du 28 mai 1944 a été un des éléments déclencheurs des représailles allemandes à Rebecq, d’autres raisons ont déterminé les mesures répressives prises à l’encontre de certains Rebecquois. La personne à l’origine de la rafle a été officiellement nommée par tous les témoins de l’époque. Il s’agit de Marcel Gilmont, un Rebecquois né le 9 février 1902, qui avait opté pour la collaboration ouverte avec l’ennemi. Il ne cachait pas ses opinions et s’affichait clairement en tant qu’Hilffeldgendarme, attaché à la Feldgendarmerie de Nivelles. A ce titre, il avait le pouvoir de police sur la zone qui lui était assignée, c’est-à-dire Rebecq et environs. Quelles sont les raisons réelles qui ont motivé à organiser la descente des services de la Gestapo, le 27 juin 1944, personne ne peut le préciser. Mais il est avéré qu’il rédigea une liste d’une trentaine de personnes à arrêter pour les motifs aussi divers que terrorisme, aide à l’Armée Blanche, possession d’armes, etc.
Il présenta sa liste à la kommandantur de Nivelles et l’opération fut décidée pour la nuit du 26 au 27 juin 1944. Trois camions seraient prévus et les services de la SD (Gestapo-Bruxelles) participeraient à la descente. A minuit, les personnes visées furent arrêtées au fur et à mesure et emmenées au café de la Station, l’établissement que tenait Léontine Marsille, en face de la gare. Durant toute la nuit, les personnes visées par la liste de Gilmont sont appréhendées, amenées au café et tenues en respect sous la garde de soldats allemands.

Robert (Eugène, Achille, Désiré) Dupureur était né à Mariembourg, le 3 février 1913 de Charles Dupureur, employé et de Marie Deroyer, sans profession. Il avait fait ses études primaires et secondaires à Mariembourg et ensuite avait choisi de faire médecine. Il avait suivi les cours donnés à l’Université Libre de Bruxelles et avait réussi le 16 juillet 1937, avec la grande distinction les examens finaux qui lui donnaient le titre de Docteur en médecine, chirurgie et accouchements. Il s’était marié le 19 août 1936 avec Eveline Hoyois.
En 1944, Robert Dupureur exerce à Rebecq. Il s’y est installé avec sa famille le 19 octobre 1938, il est domicilié rue du Pont, n° 52. Dès le début de la guerre, sa clientèle s’accroît considérablement, suite au décès du Docteur Emile Colson, qui avait été assassiné par les soldats de la compagnie SS « Das Reich », à Blessy (Nord-France) lors de l’exode, en mai 1940. Le couple aura deux filles: Gislaine, née à Ixelles, le 6 septembre 1941 et Cécile, née à Braine-le-Comte, le 22 janvier 1945.

Sa vie va basculer le 28 mai 1944, lorsqu’à 4 h du matin, un jeune garçon vient le réveiller en lui demandant de se rendre au plus vite au Stoquois, où un avion s’est écrasé. Ses parents sont auprès d’un aviateur qui est gravement blessé. Le médecin s’habille en vitesse, prend sa trousse et suit l’adolescent qui l’avait attendu. Arrivé sur place, il constate le désastre: un avion de grande envergure tombé au sol est occupé à brûler. La situation se complique, car l’appareil s’est écrasé de l'autre côté de la rivière, qu’il faut traverser pour accéder à la majeure partie des débris qui jonchent le sol de toutes parts, sur 500 m à la ronde. Un pont est improvisé.

Dupureur Robert

Un Lancaster, après s'être crashé. Il est rare qu'il y ait des survivants, en général
(Photo 550 Squadron RAF North Killingholme)

Les parents du jeune homme qui est venu le chercher sont Antonio et Caroline Caliman, ils habitent la maison la plus proche du lieu de l’accident. L’endroit est noir de monde, les villageois qui ont été réveillés par le bruit de l’explosion y sont accouru rapidement et plusieurs d’entre eux ont fait des recherches d’urgence dans les restes de l’avion encore en feu afin d’y trouver des blessés. C’est ainsi qu’ils ont aperçu dans un arbre, la coupole, dans laquelle un aviateur reste bloqué. Il est vivant, car il gémit, mais il semble inconscient. Immédiatement, le docteur demande que l’on l’aide à extraire le blessé. Dès la chose faite, il constate les blessures: à première vue, sa face n’est qu’une plaie béante, il est atteint aux épaules et aux bras. Il est impossible de lui apporter des soins sur place. Il demande qu’on lui apporte de quoi faire une civière. Les Caliman proposent qu’on se serve de la grille d’entrée à leur jardin, mais quelqu’un arrive avec une pièce de l’avion qu’il a trouvé par terre. Il s’agit du gouvernail de queue de l’avion. La pièce est en aluminium et est de dimensions suffisantes pour transporter un corps étendu. Très vite, des villageois présents s’improvisent brancardiers, entre autres le curé Géry Piérard, Léon Decrême et Emile Hanon, le photographe du village. Ils quittent les lieux du crash et se rendent rapidement à l’hospice de Rebecq qui sert d’hôpital, en cette période de guerre.

Dupureur Robert

Immédiatement, le praticien déshabille le blessé et commence à nettoyer les plaies. L’homme est affreusement mutilé. Sa face présente de graves blessures et sa mâchoire a été démantibulée et est fracturée à plusieurs endroits. Il présente une fracture ouverte de l’omoplate gauche, les bras, avant-bras, mains et doigts ont tous des fractures multiples. Le reste du corps du blessé présente encore de nombreuses contusions moins graves. Aidé par les religieuses présentes à l’hospice, il commence à opérer le patient à qui a il a administré des sédatifs.
Pendant ce temps, le jour s’est levé. Il ne reste plus que des ruines fumantes de l’avion, dans la prairie où il est tombé. Dans la carlingue, on aperçoit deux corps carbonisés, mais il est impossible de voir dans l’enchevêtrement des ferrailles s’il y a d’autres cadavres. De toute manière, les Allemands risquent d’arriver d’ici peu, et tout le monde présent décide de rentrer chez soi afin d’éviter d’avoir des ennuis avec l’occupant. En effet, les soldats allemands arrivent rapidement de Nivelles, où se trouve la kommandantur, ils ont été avertis par des collaborateurs habitant le village. Directement, ils empêchent l’accès de l’accident par un cordon de gardes. Ils commencent ensuite à inspecter les débris éparpillés et constatent seulement les deux corps visibles. L’avion est un bombardier britannique de type Lancaster. Ils savent que l’équipage requis pour cet d’appareil est de sept aviateurs: un pilote, un mécanicien de bord, un radio, un navigateur, un mitrailleur avant (ou de tête), qui sert aussi de bombardier, un mitrailleur de dos et un mitrailleur arrière (ou de queue). Ils se disent qu’il serait fort possible qu’il existe des rescapés et qu’ils peuvent être encore cachés par les habitants. La fouille des maisons est directement organisée, mais cela ne donne rien, à part le blessé qu’ils ont trouvé à l’hospice, et qui est encore en train d’être opéré par le docteur Dupureur. Ce dernier leur fait comprendre que le patient est intransportable et se porte garant de sa sécurité. Les Allemands acceptent de le laisser entre les mains et sous la responsabilité du médecin et des religieuses, ils aviseront par la suite.
En médaillon, David Yearley, le mitrailleur de dessus qui fut blessé lors le crash.

D’autres fouilles seront encore organisées dans les jours qui suivront. Le blessé, qui s’appelle David Yardley, est le mitrailleur de dos de l’équipage qui appartient au 550 Squadron Royal Air Force basé à North Killingholme (Lincolnshire). L’avion avait décollé la veille de l’accident, le 27 mai à 22 h 30 de sa base avec d’autres avions de la même escadrille. Ils s’étaient dirigés vers Aix-la-Chapelle, où ils avaient bombardé la gare ferroviaire, important nœud de communications servant à l’acheminement de matériel militaire allemand vers les fronts de combat, dont celui de l’Ouest, principalement. L’opération s’était révélée réussie, les voies et les installations ferroviaires avaient été détruites et les réparations des dégâts occasionneraient d’importants retards dans le transport d’armes, de matériel et de soldats allemands.

A la kommandantur de Nivelles et à la Sipo-Sd (Gestapo) de l’avenue Louise, à Bruxelles, l’affaire ést prise au sérieux. Le village de Rebecq est traversé par la ligne de chemin de fer 115 venant de Tubize en direction de Braine-le-Comte. Cette voie est très utilisée par l’occupant pour le transport de matériel et d’hommes vers les côtes françaises, le long desquelles, les Allemands ont construit le fameux « mur de l’Atlantique ». La Résistance locale est très active dans la région et de nombreux actes de sabotage ont été perpétrés par les divers groupes de résistants opérant sur Tubize, Rebecq et Braine-le-Comte.
C’est dans ce climat de nervosité et d’énervement des Allemands à l’encontre des habitants de Rebecq que Marcel Gilmont, souhaitant probablement se mettre en évidence vis-à-vis des occupants, prépare son coup. Il fait d’abord arrêter le 22 juin un jeune Italien habitant Rebecq avec sa famille, Giuseppe Vecchiato et l’emmène à Nivelles pour « l’interroger ». Le jeune homme subit un interrogatoire cruel de la part de Gilmont qui dresse une liste de personnes qu’il suspecte d’appartenir à la Résistance qu’il soumet aux officiers allemands. Comme il est dit plus haut, la nuit du 26 au 27 juin 1944, l’opération est déclenchée.
Les soldats de la Gestapo arrivent au 52, rue du Pont et arrêtent le médecin Rebecquois qu’ils emmènent manu-militari au café de la Station, sis à 200 m de là. Robert Dupureur rejoint une vingtaine de villageois déjà arrêtés. S’y trouvent, entre autres, l’abbé Piérard, Emile Hanon. Il doit se mettre face au mur, mains levées, tandis que derrière lui, il devine des allées et venues d’Allemands, il devine que des coups et des gifles sont distribués, mais comme ses compagnons d’infortune, il n’ose se retourner, de peur d’être rossé à son tour. Pendant quelques heures, ils restent ainsi, fixes, collés au mur, entendant les questions qui sont posées de manière violente à certains d’entre eux. En fin de matinée, les prisonniers sont sortis du café et chargés sur trois camions. Parmi eux il y a deux femmes: Caroline Caliman, l’épouse d’Antonio et Léontine Marsille, la tenancière de l’établissement dans lequel ils ont passé la matinée. Gilmont est resté pendant toute l’opération à l’extérieur du bistrot. Dès qu’une personne y est amenée, il pointe son nom sur la liste qu’il tient en main. Des soldats Allemands arrivent de la ferme Millecamps, où ils ont arrêté trois personnes: les deux fermiers Brenard et un garçon de ferme, Guerino Bacci. Gilmont dit que les fermiers peuvent retourner chez eux, mais il garde l’ouvrier italien qui rejoint le groupe dans la salle du café.

Dupureur Robert

Le café de Léontine Marsille, en face de la gare de Rebecq. A côté, Marcel Gilmont, celi qui dénonça ses compatriotes (Archives Rewisbique)

Ils partent pour la prison de Saint-Gilles, où, d’habitude, les Boches font passer des interrogatoires souvent musclés. Les malheureux Rebecquois appréhendent la suite des événements. Ils sont dans le brouillard complet, quant aux réelles raisons de leur arrestation. Si certains d’entre eux ont une activité résistante à leur actif, d’autres sont là par hasard, ou du moins, se l’imaginent-ils.
Arrivés à la prison à 13 h, ils sont jetés dans des cellules où ils vont attendre. Robert Dupureur, qui se trouve enfermé dans la même cellule que Géry Piérard, est amené devant un officier qui lui signifie qu’il est arrêté pour les raisons suivantes: aide à l’Armée Blanche, aux réfractaires, soins gratuits donnés aux réfractaires, aux résistants armés et aux saboteurs, transmission de messages antiallemands et diffusion de presse clandestine. Durant tout son séjour à Saint-Gilles, il ne sera plus extrait de sa cellule. Avec son compagnon de captivité, l’abbé Piérard, ils entendent les cris et les hurlements des prisonniers qui subissent la torture au cours de leur interrogatoire. De temps en temps, on entend les rafales de coups de feu, on en déduit qu’il y a eu des exécutions. On redoute que la porte de la cellule s’ouvre et que ce sera son tour. Cet état d’attente plonge les prisonniers dans un état d’angoisse et de dépression nerveuse tel que beaucoup ont dur de supporter le manque d’information et la menace constante de se voir extrait des cellules pour subir la torture.

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La prison de Saint-Gilles, première étape d'un long calvaire, pour beaucoup qui y entrent entre 1940 et 1944

Le 9 août 1944, la porte de la cellule s’ouvre et Robert Dupureur est emmené dans la cour de la prison où il aperçoit un groupe d’autres prisonniers attend là. Parmi eux se trouvent des Rebecquois qui ont été arrêtés en même temps que lui. Le bruit court parmi les Rebecquois que certains d’entre eux ont déjà été déportés en Allemagne, mais on ne sait pas exactement qui.

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Ci-contre, la gare de formation de la Petite-Ile d'où est parti le "Train-Fantôme".
En fin de compte, les prisonniers sont embarqués sur des camions qui les conduisent à la gare de la Petite-Ile, qui sert de gare de départ vers les camps allemands. Leur destination est Bourg-Léopold, au camp de Beverlo. Ils y arrivent le lendemain, harassés et affamés après des heures passées dans des wagons à bestiaux. Les prisonniers sont installés dans les baraquements utilisés jadis comme lieu de casernement de l’armée belge. Ils vont y attendre que l’on statue sur leur sort. Ils ont appris que Bourg-Léopold est un camp de transit et c’est de cet endroit que les Allemands déportent leurs prisonniers vers Sachsenhausen, Buchenwald et Dachau.
Mais le bruit court que les Alliés ont considérablement progressé dans leur avancée vers la Belgique. On apprend, fin du mois d’août, que Paris a été libérée le 25. L’espoir renaît en chacun, d’autant plus que les gardiens du camp sont des soldats âgés et moins agressifs que ceux avec qui ils ont eu affaire précédemment. Les gardes commencent à manifester un certain relâchement dans la surveillance des prisonniers. Le 3 septembre, les Alliés entrent dans Bruxelles et libèrent la ville. Les occupants, qui, depuis quelques jours, détruisent les documents compromettants, commencent à déguerpir vers l’Est. A Bourg-Léopold, il faut deux jours pour que la zone soit déclarée libérée. Les gardiens sont partis sans demander leur reste et les captifs se retrouvent seuls, dans un lieu de détention qui a les portes grandes ouvertes.
C’est la ruée vers l’extérieur et les prisonniers se dépêchent de prendre le large avant qu’un éventuel sursaut des ennemis les fasse revenir dans les parages. Par groupes, ou seuls, les dizaines de détenus de Beverlo retournent chez eux, à pied, car il est illusoire d’avoir un train qui circule normalement en ces temps troublés. En quelques jours, les Rebecquois regagnent leur village, où ceux qui ont été arrêtés en même temps qu’eux et qui étaient restés emprisonnés à Saint-Gilles sont déjà revenus depuis au moins deux jours.

Il manque sept personnes au groupe des 22 Rebecquois arrêtés le 27 juin 1944. Joseph Mahy, les trois frères De Braeckeleer, de la laiterie. On apprendra qu’ils sont détenus dans un camp allemand, à Sachsenhausen. Ils reviendront en mai 1945, après que les troupes soviétiques aient libéré les camps de concentration. On apprendra plus tard que Giovanni et Giuseppe Vecchiato ainsi que Louis Deneyer ont perdu la vie durant leur incarcération en Allemagne. Robert Dupureur, à l’instar de ses compagnons d’infortune, reprend ses activités. Il a subi durant les 71 jours de sa captivité un choc dont les conséquences invisibles vont le miner de plus en plus. Malgré la présence constante de son épouse à ses côtés, il sombre peu à peu dans une dépression dont il n’arrive pas à se dépêtrer. Il s’administre des médications qui, pense-t-il, l’aideront à s’en sortir, mais l’effet est inverse. En quelques années, et malgré l’arrivée dans la famille d’une deuxième petite fille Cécile en 1945, la situation s’aggrave et les Dupureur décident de déménager.

Dupureur Robert

Le médecin Robert Dupureur, avant et après son incarcération (Photos Archives Rewisbique-Fond Dupureur)

Dupureur Robert

Fiches d'informations de la Gestapo concernant Robert Dupureur, considéré comme "terroriste"
(Arch. Victims of War-SFP Justice)

La famille quitte Rebecq en 1952 et s’installe dans le village de Faux-les-Tombes. Pendant quelque temps, il semble que les choses vont mieux et que Robert Dupureur reprend goût à la vie. Mais le répit est de courte durée et il retombe plus profondément dans l’enfer dont il tente de sortir depuis des années. La situation devient rapidement intenable pour Eveline, son épouse, qui doit s’occuper elle-même l’éducation des enfants, la gestion du cabinet médical et les finances du ménage qui s’amenuisent jour après jour. Un jour, elle le met devant ses responsabilités et lui dit qu’il ne serait plus possible de vivre ainsi et qu’il est à présent dans l’obligation de trouver un travail appointé afin de subvenir aux besoins de sa famille, avant que la ruine ne provoque la séparation du couple.
Il se met en recherche d’emploi. A cette époque, la Compagnie Maritime Belge cherche un médecin de bord sur ses navires écoles qui devra soigner le personnel navigant et enseigner la médecine de bord à des postulants médecins de marine. Il est engagé et monte à bord du navire « Louis Scheid » le 13 mars 1956. Pendant 15 ans, il va voyager successivement à bord des bâtiments de la compagnie « Louis Scheid », « Lualaba » et « Montalto ». Au début de son nouveau métier, il semble en rémission complète. Les voyages au long cours, la vie à bord et l’enseignement de la médecine le passionnent. Mais les démons le reprennent un jour et il recommence à s’administrer des médications qui ne font que l’enfoncer dans ses tourments qui l’ont repris, au lieu de l’en sortir. Il terminera son engagement à la C.M.B. en 1971, la compagnie ayant arrêté la mise en service de navires écoles. Il en résulte que le Docteur Dupureur n’est plus réengagé.

Dupureur Robert

Robert Dupureur, en tant qu'officier médecin instructeur de bord, à la Force Navale belge

De retour à terre, Robert Dupureur va faire valoir ses droits à la retraite. Il vivra encore jusqu’en 1978. Il s’éteint le 11 décembre de cette année, sans avoir jamais guéri de l’angoisse dans lequel il avait plongé, lorsque les Allemands l’avaient arrêté, le 27 mai 1944.

Jusqu’avant de retrouver Cécile Dupureur, sa fille, j’ignorais qui était exactement cet homme. Son nom est inscrit depuis 2011 sur le monument du Mémorial de Rebecq, mais je n’avais aucun renseignement le concernant. Notre rencontre m’a permis de comprendre ce que les 22 Rebecquois arrêtés par la Gestapo vécurent et les répercussions que cette tragédie eu sur eux durant toute leur existence. Outre que ce drame les a atteints personnellement, il y a eu également ce qu’on appelle maintenant des « dégâts collatéraux ». L’entourage proche des victimes de la rafle du 27 mai 1944, les parents, les épouses, les enfants de ceux qui ont été victimes de la rafle du 27 juin 1944 ont aussi enduré leur souffrance.
J’ai tenu à écrire ce chapitre inconnu de notre histoire afin que nul n’ignore l’indicible drame qu’a représenté pour beaucoup Rebecquois le fait de faire son devoir de citoyen. J’ai rédigé cet article sans état d’âme, mais avec le souci de faire comprendre au lecteur ce que représente la cérémonie de commémoration que nous orchestrons tous les ans au Mémorial de Rebecq. Ce n’est pas une grand-messe, ni une festivité, mais un devoir de respect et de gratitude à ceux qui, lorsqu’ils étaient emprisonnés, n’ont jamais parlé, et lorsqu’ils sont revenus, ont tu leurs souffrances.
Merci aux familles et descendants de ces héros malgré eux de m’ouvrir la porte de leurs souvenirs. Merci à plusieurs d’entre eux d’avoir été unanimes avec nous dans l’hommage qui leur a été rendu.
Pour que l’on n’oublie jamais...

Wilfred Burie

Note: Les relations de cet article découlent directement des témoignages et rapports d’enquêtes diligentées de septembre 1944 à 1955 par les services du ministère de la Reconstruction et celui de la Justice ainsi que du rapport final du Commissaire de l’Etat Ch. Vrancken, responsable de l’enquête sur Rebecq. Les information concernant Robert Dupureur en particulier proviennent de sa fille, Cécile Dupureur...

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